Monday, September 04, 2006

Affaire résidus chimiques déversés à Abidjan - Les autorités savaient que les déchets étaient toxiques


On en sait davantage sur le "Probo Koala”. On connaît
désormais le propriétaire, l’origine et la nature de
la cargaison de ce navire qui a transporté le
liquide mortel déversé à travers la ville d’Abidjan.


Le voile vient de se lever sur le "Probo Koala”. Ce
navire qui a transporté le liquide toxique ayant
pollué l’air abidjanais appartient à la société
Trafigura LTD, une succursale du groupe Trafigura
Beheer basé à Amsterdam, au Pays-Bas. Il a chargé en
Espagne, précisément à Ageceiras, 400 tonnes d’un
mélange de gazoline et de soude caustique avec une
forte concentration de sulfure de mercaptan. Ces
déchets proviennent des Pays-Bas. Avant que
l’embarcation ne prenne le chemin d’Abidjan, les
responsables de Trafigura LTD, ont écrit à leur
correspondant ivoirien, Puma Energy, l’intermédiaire
entre la société consignatrice Waibs et Transfigura
LTD, pour lui donner toutes ces informations,
conformément aux règles édictées par la conférence
internationale de Bâle (Suisse) concernant ce genre de
trafic. Le courrier a été écrit par Jorge Luis Marrero
de Trafigura LTD. Celui-ci a envoyé un courrier
électronique le jeudi 17 août à 14 H 46 au capitaine
N’ZI Kablan de Puma Energy. Dans sa lettre, Jorge
Luis Marrero indique que vu la forte concentration de
mercaptan, le produit a une très forte odeur et doit
par conséquent, être soigneusement enlevé du navire
lorsqu’il sera à destination et convenablement stocké
afin d’éviter toute conséquence environnementale et
tout problème avec les autorités ivoiriennes. Il
précise que la teneur en carbone de la cargaison est
de 21000 milligrammes par litre, soit une quantité
supérieure à la norme qui est de 2000mg par litre.
Par conséquent, il a prévenu que le liquide en
question ne doit pas être considéré comme une eau usée
mais une eau chimique. Il a demandé à Puma de
confirmer qu’elle peut effectivement faire débarquer
et stocker cette eau avec une entreprise qualifiée et
ayant obtenu en bonne et due forme l’autorisation
nécessaire avec les autorités en charge de
l’environnement.
Un liquide chimique présenté comme une eau usée

Malheureusement, lorsque le bateau arrive à Abidjan le
19 août, sa cargaison est déchargée en tant que «eau
usée» (c’est la mention que porte l’autorisation
délivrée par le ministère des Transports à la société
ayant fait le déchargement) et est déversée à la
décharge d’Akouédo, à la zone industrielle de Vridi et
au Plateau Dokui. Pour s’assurer que les termes de la
conférence de Bâle avaient été respectés par Trafigura
LTD, Zadi Dakouri, le point focal représentant la
Côte d’Ivoire dans la convention avec les
propriétaires du "Probo Koala”, leur écrit le 28 août
pour se renseigner. En l’absence de Luis Marrero, son
interface du côté de l’armateur, entre temps parti en
vacance, la réponse a été rédigée par son collègue
Naeeme Ahmed. Ce dernier confirme que son entreprise a
communiqué à Waibs toutes les informations
nécessaires. Il a redonné les mêmes informations à
Zadi Dakouri.
Les informations chimiques communiquées par Trafigura
LTD ont été confirmées par les analyses des
laboratoires de la Sir et du Centre anti –pollution
(Ciapol) à partir de prélèvements faits à la décharge
d’Akouédo. Selon les résultats de la Sir, chaque kg du
liquide contient 6129 mg de H2S (hydrogène sulfuré).
Il comprend aussi 750,6 mg de masse volumique à 15
degré Celsius par mètre cube etc. (voire tableau 2).

Des risques de malformations congénitales

La Sir conclut que l’échantillon qu’il a analysé
« s’apparente à du produit pétrolier de masse
volumique de 750,6Kg par mètre cube, proche de
l’essence, avec une très forte teneur en hydrogène
sulfuré, substance toxique pouvant à cette dose
entraîner la mort immédiate en cas d’inhalation ». Le
Ciapol indique de son côté (voire tableau 1) que
l’échantillon comporte plus de 10.000 mg de DCO par
litre soit plus de 20 fois la norme qui est de 500 mg
par litre. Parlons un peu du DCO. Il est constitué
essentiellement de carbone. A dose naturelle dans un
organisme ou dans la nature, cette matière n’est pas
toxique. Pour preuve, lors de la circulation sanguine,
le sang est parfois chargé de dioxyde de carbone. Mais
la quantité est si négligeable que le sujet ne le sent
pas. Le carbone devient toxique et étouffe
l’organisme au fur et à mesure que sa quantité
augmente. De même, un produit contenant du carbone ne
perturbe pas l’équilibre naturel tant que la quantité
reste dans les normes énoncée plus haut. Lorsque la
norme est dépassée, il faut obligatoirement faire un
traitement pour éviter qu’il soit nuisible à
l’environnement. Ce qui n’a pas été fait dans le cas
de la cargaison du "Probo Koala”. Outre, l’hydrogène
sulfuré déversé en grande quantité fait partie des
déchets non organiques difficilement dégradable. En
d’autres termes, il lui faut beaucoup de temps pour se
dégrader. Dans les trois zones où le produit a été
officiellement déversé et dans les zones où les
camions-citernes ont été lavés après le transport de
ces substances toxiques, plus de 500 personnes se sont
déjà plaint de malaise. Nombre d’entre elles sont
hospitalisées à leurs frais, contrairement aux
promesses gouvernementales de les prendre en charge.
Les conséquences pourraient aller au-delà des malaises
observés. Des analyses sont en cours pour vérifier si
le produit est radioactif ou non. En cas de
radioactivité, des risques de malformations
congénitales ne sont pas à écarter dans les zones
concernées.

Cissé Sindou

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